mercredi 23 février 2011

Tremblement de terre à Christchurch, suite

La cathédrale avant (photo de la veille au soir) et après (photo du net):
Je suis ensuite allée aux jardins botaniques qui sont juste au bout de la rue où se trouve l'auberge. Beaucoup de gens s'étaient déjà rendus dans le parc puisqu'aucun morceau de brique ou de verre ne pouvaient leur tomber dessus.
Je ne suis pas restée longtemps car je me suis sentie bien seule. Tout le monde était accompagné. Les gens étaient en famille, entre amis, ou entre collègues. C'était un point de rendez-vous. Moi qui suis communicative en général, je ne suis allée vers personne. Et puis je ne me sentais pas de déranger les gens entre eux dans un tel moment. Je me suis assise dans la pelouse, j'ai observé et suis repartie à mon auberge et en fait c'est à ce moment que j'ai récupérer pull et écharpe.
J'ai proposé à Dean, un gars de l'auberge de venir avec moi aux jardins. Ce type était totalement secoué. Je n'ai jamais vu des mains trembler autant. Il est grand, pas très costaud mais plus âgé que moi et pourtant je me trouvais bien plus forte que lui, bien plus courageuse. Dans ces cas là, on réagit tous différemment et peu importe que l'on soit fort, grand ou petit, jeune ou plus âgé, on peut être complètement traumatisé ou pas du tout et garder la tête sur les épaules.
On s'est posé près d'un énorme sapin qui ne bougeait pas d'un chouilla lors des secousses et on était à l'abri de la pluie au cas où. Paul, un genre de baroudeur, chapoté, d'une soixantaine d'années s'est installé à côté de nous avec sa tente et son sac de courses sous le bras. On a fait connaissance. Il nous a offert de l'eau. Super sympas et très détendu, ce Paul. On a rigolé et essayé de détendre Dean qui flippait et se dressait comme un bâton avec les yeux écarquillés dès la moindre petite secousse.
On savait que l'on ne passerait pas la nuit prochaine à l'auberge, hors de question de toute façon, et comme je devais prendre mon avion le lendemain, je voulais récupérer mes affaires et les avoir avec moi cette nuit avant de ne plus pouvoir y retourner puisqu'un ordre d'évacuation de la ville était donné.
Nous sommes donc retournés ensemble à l'auberge et j'ai fait mon sac en quatrième vitesse.
Nous avons marché longtemps dans le parc, essayant de trouver l'endroit où des tentes étaient normalement installées pour recevoir les sans-abris. Sans succès. En fait c'était encore trop tôt.
Puis on rencontre Julia, une allemande de 24 ans également sans toit et Jill et son fils Mike, rencontrés sur le chemin qui nous ont proposé de passer la nuit chez eux !
Une belle maison, bien solide, dans la banlieue résidentielle de Christchurch. On était bien là.
On a rangé tout ce qui était tombé dans la maison, pris de l'eau où l'on pouvait pour la faire bouillir, récupéré l'eau de pluie qui s'est mis à tomber et on a mangé un peu. On a regardé les infos sur une petite télé. (Les grands écrans plats ne fonctionnaient pas, ha ha, car demandent plus de courant que ce qu'il n'y avait).
Nous étions totalement désarçonnés et attristés par ces images de Christchurch qui avait déjà vécu un gros tremblement de terre le 4 septembre dernier et commençait tout juste à se remettre de cette épreuve. Un troisième et il ne devrait plus rien rester de la ville... Tous ces immeubles encore debout ne demandent qu'à tomber, il doit y avoir tellement de fissures partout, visibles ou non. Il va falloir des années pour que la ville et ses habitants se remettent de ça et des milliards de dollars de réparation. Pour l'instant des dizaines d'équipe de secours étaient sur les lieux et essayaient de dégager les survivants coincés sous les décombres. Les journalistes annonçaient déjà 65 morts et des centaines de disparus.
L'armée était en chemin ainsi que des secours de toutes les villes alentours.
Nos hôtes ont descendu des matelas de l'étage et nous avons dormi dans le salon. Enfin, dormi...
Les secousses n'ont jamais cessé. D'intensité plus ou moins forte et plus ou moins longue mais dès qu'une durait plus longtemps et faisait vibrer la maison davantage, on se redressait en essayant de juger si celle-ci nécessitait que l'on sorte de la maison ou non. Bref on a dormi par dix minutes en gros. Au matin, Mike a amené Paul près du centre, Julia à son auberge pour qu'elle récupère ses affaires et moi à l'aéroport pour mon vol. Dean est resté car encore totalement traumatisé.
Sur le trajet, nous avons découvert encore de nouveaux dégâts, des églises et des magasins effondrés, des voitures sous les gravas. On avait l'impression de traverser une ville bombardée. Il y avait de l'eau boueuse partout qui inondait certaines rues et avait enlisé des véhicules. C'était un peu apocalyptique comme décor ! L'armée était là et bloquait l'accès au centre ville.

Quelques dernières secousses à l'aéroport, papa et maman au téléphone et à 14h30,j'étais dans l'avion pour Auckland. Cet aéroport a fait preuve d'une efficacité et d'une rapidité d'action redoutable. Des centaines de gens fourmillaient là-dedans essayant de trouver un vol au plus vite pour fuir et des billets étaient à vendre à $50. Des scènes de pleurs de joie de gens qui arrivaient à Christchurch pour retrouver leur famille se mêlaient aux scènes de panique de gens pressés de partir.
Je suis arrivée à 16h à Auckland puis à 17h30 à mon auberge qui nécessitait pour y accéder une nouvelle marche à pied avec le sac sur le dos...
Je suis arrivée totalement lessivée.
Une douche. Et un film français en centre ville (festival du cinéma français à Auckland, Wellington et Christchurch) pour me détendre. "L'Amour c'est mieux à deux" avec Clovis Cornillac, Virginie Effira. C'est pas très bien joué mais j'ai été bon public... J'avais besoin de rire.

Bref, je suis ressortie vivante de cet événement qui restera dans les annales et dans ma tête à tout jamais. Je me rends compte que j'ai été extrêmement chanceuse d'être dans un bâtiment récent qui m'a sauvé la vie car construit selon les normes sismiques, et puis d'avoir rencontré une famille sympas qui m'a accueillie et soutenue. Les images de ces dernières heures repassent en continu dans ma tête. Et pour certainement encore plusieurs jours.
Merci à tous pour vos messages et vos appels. Et si c'est votre cas, soyez heureux de vivre en France, un pays préservé de ce genre de catastrophe naturelle !
A la nôtre et à la Sainte Isabelle ! ;-)

6 commentaires:

Violaine a dit…

Merci pour ton récit Isa.
Franchement ça fait des frissons dans le dos, j'ai eu très peur pour toi tu sais !!
Et dire qu'il y a 1 mois j'hésitais à te rejoindre ce jour même à Christchurch... Certes j'aurai été là pour te soutenir, mais moins il y a de personnes à vivre ce traumatisme, mieux c'est !
Je te souhaite bien du courage pour les prochains jours qui je pense, vont être assez perturbants, les nuits courtes et les flash sans discontinu.
Espérant que ton changement de ville t'apporte pleins de bonnes choses et de nouvelles rencontres !!
Courage Isa, on pense tous bien fort à toi !

Clotilde a dit…

Wow, ça fait tout drôle d'apprendre la catastrophe à travers tes yeux et tes expériences... Contente de savoir que tu est en bonne santé, et bon courage pour t'en remettre!

Carole a dit…

On est encore plus effrayé par une telle catastrophe quand on sait qu'une amie est là-bas.
C'est bien que tu aies pu prendre ton vol et poursuivre ton voyage comme prévu.
Garde la force de continuer cette belle aventure.
On est avec toi par la pensée (c'est malheureusement tout ce que nous pouvons te proposer).
Des milliards de bisous
Steph&Carole

Lena a dit…

J'ai eu peur pour toi, quand j'ai entendu ce qui se passait à Christchurch, même si ça fait un bail que l'on ne s'est pas vu, je te suis à travers ton blog.
J'espère que le fait d'arriver dans une nouvelle ville va t'apaiser un peu mais je pense que cette épreuve va aussi te permettre de savourer ton retour au pays, épargné de ce genre de catastrophe.
Bon courage et continue malgré tout à profiter de ce que tu trouves sur ta route.
Je pense bien à toi.

Titilaeti a dit…

Quel sang froid Isa !!!!! Merci pour ces articles tres bien ecrits qui nous font vivre cette catastrophe avec toi... j'espere que tu vas bien et que tu n'auras plus ce genre de probleme dans l'ile du nord! Gros bisous et bonne route !

Emilie et Denis a dit…

Et bien ça a vraiment dû être impressionnant.
Comme tu es courageuse, moi j'aurais pris le 1er vol pour Nantes ! lol
C'est rassurant en tous cas de te lire et de voir que tu ne te laisses pas aller comme Dean.
Bonne continuation et fais attention à toi,
Gros Bisous
Emilie et Denis.